Le Nom de la rose (série)

Le nom de la rose d’Umberto Eco est l’un des romans les plus vendus de tous les temps, ce qui a dû faire réfléchir deux fois le réalisateur avant de se lancer dans une telle réadaptation.

Une intrigue pareille : il faut avoir un sacré ego pour s’y attaquer ! Surtout quand un excellent film avait déjà été tourné en 1986.

Les défauts

Dans cette nouvelle série, l’introduction de la très improbable Anna, fille du dirigeant d’une secte hérétique, m’a gâché le plaisir. Passant la plupart de son temps à se faufiler dans les forêts italiennes à la manière d’une Robin des Bois féminine, elle fait un peu trop Donjons et Dragons à mon goût.

Les intrigues en sous-main inventées pour la série rendent malheureusement le récit trop confus. J’ai lu le roman à 5 reprises en l’espace d’une vingtaine d’année, et honnêtement je n’ai jamais été aussi perdu.

Les bons côtés

La série a de bons décors, de bons costumes, d’excellentes performances d’acteur en la personne de Turturro. Le cadre mystérieux entourant un écrivain brillant et secret a le don d’intriguer le spectateur. Mais on a le droit, devant une oeuvre mythique, d’avoir des attentes mitigées sur la réalisation d’une mini-série « Le Nom de la Rose ». Surtout quand on a adoré le film de Jean-Jacques Annaud sorti en 1986.

→ Le roman

Le Nom de la Rose d’Eco est un traité à plusieurs niveaux de lecture qui met l’accent sur la philosophie médiévale et l’histoire de l’église en générale. Il est agrémenté d’une intrigue criminelle qui vous encourage à continuer à lire. Ce bouquin est largement considéré comme l’un des meilleurs romans jamais écrits.

En 1986, le film de 130 minutes d’Annaud s’était concentré sur l’intrigue du crime, et avait dû laisser de côté la plus grande partie du contexte fascinant.

Cette nouvelle mini-série de 6 heures sortie en 2019 donne aux cinéastes plus d’espace pour explorer davantage le contexte historique et religieux, et malgré ce que je viens de dire au début, ils ont fait bon usage de ce temps plus long.

Le roman est écrit du point de vue d’Adso de Melk, un jeune novice bénédictin qui, en 1327, rejoint Guillaume de Baskerville pour visiter un monastère nord italien. Baskerville est un peu le Sherlock Holmes médiéval. Au lieu d’assister à la conférence religieuse prévue, tous les deux tombent nez à nez avec un meurtre.

Série Le nom de la rose 2019
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→ Le film de Jean-Jacques Annaud

Dans le film d’Annaud, Sean Connery avait joué un Baskerville charismatique mais arrogant. Inversement, le jeune Christian Slater, alors âgé de 15 ans, tentait en vain de donner un peu de profondeur à Adso.

Dans la mini-série, l’équilibre est rétabli : le jeune acteur allemand Damian Hardung qui joue Adso est vraiment sensationnel et semble s’épanouir dans un rôle élargi. L’acteur américain John Turturro (qui a également coécrit et coproduit la série) nous offre un Baskerville raffiné, humble, intellectuel, à l’esprit vif mais attentionné. Le duo montre à l’écran une chimie phénoménale reliant un maître à son élève.

Le roman d’Eco est une œuvre littéraire presque parfaite, mais il a un problème important : il est extrêmement centré sur les hommes. Le seul personnage féminin apparaît épisodiquement, et Adso n’évoque cet amour que par monologues.

Les scénaristes de la mini-série ont rendu ce côté du roman beaucoup plus intéressant : la « Fille sans nom » qui donne le titre au roman devient intéressante et donne à l’actrice Nina Fotaras la possibilité de faire éclore un amour justifié dans le coeur d’Adso. Cette décision des scénaristes vient donner un aiguillon supplémentaire et une raison de regarder l’adaptation télévisée même si vous connaissez ses autres supports.

L’avis de « Films à l’affiche »

La série vaut le coup d’oeil et parvient à rétablir l’ambiance et le suspense. Le jeu des acteurs est solide. D’une certaine façon, l’histoire reste plus proche du livre que le film avec Sean Connery.

A l’inverse, à d’autres moments des éléments nouveaux sont introduits sans ajouter aucune plus-value à l’histoire originale.

Grosse coquille cependant : dans l’un des premiers épisodes, un des moines mentionne qu’il a passé quelques temps en Belgique. C’est complètement anachronique : la Belgique en tant que pays n’existait pas encore (elle n’est été fondée qu’en 1830). A cette époque, ce pays n’existait même pas dans les pensées les plus profondes des habitants de la région.

Les personnages

1. Ron Perlman est vraiment l’acteur qui volait la vedette à tout le monde dans le film de J-J Annaud. Son portrait inoubliable de Salvatore nous manque dans la série : ce moine défiguré qui murmure un langage connu de lui-même était impossible à reconstruire de nos jours. Le choix de la production a donc été de l’édulcorer, au risque de le rendre totalement insipide. Dommage !

2. Dans le but de tourner des séquences d’action et de divertir le spectateur, les auteurs de l’adaptation se sont écartés de l’intrigue d’Eco pour inventer un second personnage féminin, Anna, interprété par Greta Scarano. Je comprends leur motivation de toucher un public plus large, mais l’histoire d’Anna apparaît artificielle, stéréotypée, à la limite du ridicule.

3. Autre moment douloureux de la série : la musique de Volker Bertelmann qui manque terriblement de subtilité.

Le rôle central de l’Église

Les digressions complexes d’Eco ont été considérablement condensées dans la série, mais l’essentiel de la réflexion reste présente, avec une évocation pertinente des scandales qui entourent aujourd’hui l’institution catholique.

Les décors sont également magnifiques : l’abbaye et la bibliothèque correspondent vraiment à ce qu’on pouvait imaginer. Le scriptorium et les livres ont fait l’objet d’une grande attention, ce qui rend le spectacle intéressant pour quiconque s’intéresse aux lettres. Vous pourrez même découvrir le processus traditionnel de fabrication du papier !

Dans l’ensemble, « Le nom de la rose » est légèrement inégal mais la série rend justice au roman d’Umberto Eco. Elle est aussi excitante que les premières saisons de « Game of Thrones », avant que les dragons, la magie et les morts-vivants ne transforment ce thriller sombre en un spectable costumé.

L’adaptation vous transporte de façon réaliste dans l’Europe du XIVe siècle et donne la parole à des gens plus proches de nous que les chevaliers en armure qu’on nous sert d’ordinaire à toutes les sauces.

Mon verdict

Je retiens particulièrement la splendide relation maître-étudiant qui fait honneur au livre d’Eco, et une histoire d’amour étonnamment belle qui enrichit le récit original d’une nouvelle intrigue.

Le socle de cette nouvelle série est tellement bon qu’on se demande s’il y avait vraiment de l’intérêt à remplir certains épisodes de combats à l’épée et de tirs à l’arc. En ce sens, la volonté de rendre le spectacle attractif pour un public moins littéraire saute aux yeux.

Mais au final, depuis la fin de Game of Thrones, cette nouvelle série est bien la plus intelligente qu’on puisse trouver sur le thème du Moyen-Âge.

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