« Pour l’éternité » : film doux-amer sur le désespoir de la vie

Pour l’éternité s’ouvre sur l’image d’un couple (Jan-Eje Ferling et Tatiana Delaunay) flottant dans un ciel gris et nuageux.

Pour l’éternité est un titre approprié pour un film sur la futilité de la condition humaine, mais heureusement, le film lui-même est tout sauf une corvée.

  • D’abord, il ne dure que 78 minutes.
  • Et dans chacune de ces minutes, il trouve un équilibre exquis entre l’humour pince-sans-rire et le désespoir aigu, compensé par la plus faible lueur d’espoir.

Roy Andersson : Du réalisateur de publicité mordant au cinéaste philosophe

C’est le dernier film du grand scénariste et réalisateur suédois Roy Andersson, qui n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être.

Mais si vous avez vu ses films, comme Songs from the Second Floor ou le merveilleusement intitulé A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence, vous ne pouvez pas confondre son style avec celui d’un autre cinéaste.

Dans presque tous ses films, et maintenant dans Pour l’Eternité, la vie se déroule comme une série de sketchs comiques très stylisés et sans relief.

Pour l'éternité - Film de Roy Andersson

Chaque sketch est tourné avec une caméra fixe sur un plateau de studio qui fait un usage complexe de miniatures et d’effets numériques.

Sur ces toiles de fond méticuleuses, filmées dans des couleurs volontairement sourdes, Andersson nous montre des gens qui vaquent à leurs occupations :

  • parfois dans des pièces et des bureaux d’apparence morne
  • parfois dans des bars ou dans la rue

Si cela semble insupportablement lourd, ce n’est pas le cas. Même dans les moments les plus sinistres, Andersson a un sens vivifiant de l’absurde.

Pour l’Eternité commence par une excentricité

Un plan d’un homme et d’une femme qui s’accrochent l’un à l’autre en flottant dans un ciel gris et nuageux.

Les tableaux d’Andersson ont toujours été fortement influencés par les peintres, notamment Goya et Edward Hopper, et ce couple fantomatique évoque le surréalisme de Marc Chagall. Elles donnent un ton d’outre-tombe qui persiste même lorsque le film retombe sur Terre et nous présente les gens d’en bas.

Pour l'éternité - Film de Roy Andersson - un prêtre boit de l'alcool

Plutôt que de placer ses personnages au centre d’une intrigue, Andersson donne à chacun d’eux un ou deux moments qui capturent la totalité de leur existence.

  • Il y a un avare d’âge moyen qui garde ses économies cachées dans un matelas
  • un couple âgé qui dépose des fleurs sur la tombe de leur fils décédé depuis longtemps
  • Nous rencontrons un homme qui en veut à un ami d’enfance
  • et une femme qui se casse le talon de sa chaussure en poussant une poussette
Certaines scènes sont d’une noirceur choquante, comme celle où l’on voit un homme qui vient de commettre un acte de violence horrible contre un membre de sa famille.
D’autres sont presque sublimement belles, comme celle où trois jeunes femmes se lancent dans une danse spontanée à la sortie d’un café.

Chaque nouvelle scène est accompagnée de la voix d’un narrateur qui résume chaque vignette en quelques mots, comme :

  • « J’ai vu une femme qui aimait le champagne »
  • ou « J’ai vu un homme qui avait perdu son chemin »

Cette dernière description pourrait s’appliquer à plus d’un personnage.

Un prêtre d’âge moyen qui a perdu sa foi en Dieu

L’un d’entre eux, sur lequel le film revient sans cesse, est un prêtre d’âge moyen qui a perdu sa foi en Dieu et est tombé dans un profond désespoir.

C’est un personnage pitoyable et parfois hilarant, qu’il s’effondre en administrant la communion ou qu’il cherche désespérément de l’aide auprès d’un thérapeute pas particulièrement utile.

L’absence de Dieu est un thème récurrent dans l’œuvre d’Andersson

Ce dernier aime également faire des coupures soudaines vers un passé lointain, comme pour suggérer que rien ne change vraiment.

À un moment donné, nous voyons une file de soldats vaincus de la Seconde Guerre mondiale marchant vers un camp de prisonniers de guerre, un moment qui est filmé avec la même morosité que les moments se déroulant dans le présent.

  • Que ses personnages se morfondent en privé
  • ou s’humilient en public
  • il est difficile de ne pas rire de leurs nombreux travers
  • parfois avec un sentiment de soulagement
  • parfois avec reconnaissance

Malgré tout, Pour l’éternité est une œuvre plus douce et plus mélancolique que certains des films précédents d’Andersson, et sa courte durée porte en elle un sentiment de finalité.

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Selon certaines rumeurs, il s’agirait du dernier film du réalisateur de 78 ans

J’espère que ce n’est pas le cas, mais ce ne serait pas le pire des chants du cygne.

Les vignettes d’Andersson sont peut-être soignées et compactes, mais elles parviennent à distiller ce qui ressemble à toute la gamme des émotions humaines.

Pour l'éternité - Film de Roy Andersson - Une troupe de soldats

Il y a ici des scènes aussi étrangement émouvantes que celles de ses premiers films, lorsque toute la misère s’évapore soudainement et que l’on est emporté par une vague de sentiments pour les personnes à l’écran.

Ma préférée est sans doute le plan d’un dentiste à l’air déprimé qui traîne dans un bar, tandis que la neige tombe par la fenêtre et que la bande-son joue « Silent Night« . Soudain, l’ambiance se brise et un autre homme dans le bar se met à crier sans raison apparente :

« N’est-ce pas fantastique ? Tout est fantastique. »

Ce film magnifiquement doux-amer s’en approche terriblement.

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